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Slow parenting Pourquoi le temps libre et le jeu en plein air en disent plus long qu’un agenda bien rempli

juin 18, 2025
par Tara Troch

À une époque où la parentalité devient de plus en plus intense et structurée, une voix discordante se fait entendre : le slow parenting. Ce style éducatif plaide pour moins de contrôle et davantage de confiance dans le processus de croissance des enfants. Le jeu libre en plein air, l’ennui et les moments de calme s’avèrent essentiels au développement de la créativité, de l’autonomie et du bien-être mental.

À contre-courant 

Le terme slow parenting s’inspire de mouvements comme slow food ou slow living, qui réagissent au rythme effréné de la vie moderne. En matière d’éducation aussi, la prise de conscience grandit : plus n’est pas toujours synonyme de mieux. Les parents sont aujourd’hui inondés de conseils, de listes de contrôle et de mises en garde bien intentionnées sur ce que leur enfant « a besoin » pour réussir. Le résultat ? Une culture dans laquelle l’enfance est de plus en plus organisée, surveillée et optimisée. Mais pour qui ? 

Selon Stefan Ramaekers, pédagogue et professeur à la KU Leuven, cette évolution n’a rien d’un hasard. « Nous vivons dans une société très axée sur l’efficacité et la performance. La parentalité est souvent présentée comme un projet à gérer correctement. On met en place certaines stratégies éducatives et l’on s’attend à ce que “l’enfant suive”. Surtout aujourd’hui, où nous avons le choix du nombre d’enfants que nous souhaitons, nous investissons d’autant plus dans une approche “idéale” de l’éducation. » 

Le slow parenting s’oppose à cette vision instrumentale. Il invite les parents à ralentir, à être présents, à ne pas vouloir tout contrôler. Mais, prévient Stefan Ramaekers, cette approche peut elle aussi tomber dans le même piège. « Si vous laissez votre enfant jouer davantage uniquement parce que cela stimule la créativité, vous restez dans la même logique : vous agissez en vue d’un effet futur. » C’est pourquoi il est essentiel de ne pas réduire le slow parenting à une méthode, une technique ou une solution toute faite, mais de l’envisager comme une attitude culturelle face à l’éducation, au temps et à la condition humaine. Il s’agit d’une invitation à ne plus tout considérer comme un investissement dans un succès futur, mais à réfléchir à ce que cela signifie, ici et maintenant, de vivre avec un enfant. 

Environnement naturel d’apprentissage 

Ce changement culturel influence également notre regard sur le jeu libre, en particulier à l’extérieur. Autrefois, les enfants passaient sans difficulté des heures dans la rue ou en forêt ; aujourd’hui, cela devient l’exception. « Nos recherches montrent que les enfants jouent beaucoup moins dehors qu’avant », constate Johan Meire, coordinateur chez Kind & Samenleving. « Et cela n’est pas uniquement dû aux écrans. Les parents remplissent souvent le temps libre de leurs enfants avec des activités organisées : sport, sorties familiales, événements culturels ou fêtes chez des amis. » 

Même bien intentionnée, cette organisation limite l’espace laissé à l’initiative personnelle. Selon Johan Meire, c’est précisément ce temps non structuré qui fait la différence. « Les enfants ont besoin de moments où rien n’est prévu. Dehors, sans surveillance ni objectifs précis, ils développent leur imagination, leurs compétences sociales et leur confiance en eux. » 

Le jeu libre en plein air est essentiel, car il crée un espace où l’expérimentation, la négociation et la prise de risque sont au cœur de l’expérience. Les enfants y apprennent à inventer des règles ensemble, à résoudre des conflits, à s’adapter. « Ce sont des compétences qu’on ne peut pas enseigner dans un programme scolaire, à l’intérieur avec des jouets connus, ou dans la sécurité d’un jardin (lorsqu’il y en a un), mais qui émergent spontanément dans un environnement où il y a du temps et de l’espace pour jouer. » 

L’inconfort comme moteur 

Un aspect important du slow parenting est l’acceptation de l’ennui. Là où nous avons tendance à lutter contre l’ennui par les écrans ou les activités diverses, ce style y voit au contraire une opportunité. « L’ennui est de l’or créatif », dit Johan Meire. « C’est souvent uniquement lorsque l’enfant s’ennuie qu’il commence à imaginer quelque chose, à créer ou à inventer. Si, par exemple, il se promène dans un parc et voit un ruisseau, il va imaginer mille façons de le traverser, contourner des obstacles, tout en se demandant à haute voix si les crocodiles vont le dévorer s’il tombe dedans. Ce genre de situation naît d’une expérience unique que seul le jeu libre en plein air peut offrir. » 

Et pourtant, ce choix n’est pas évident. Il demande du courage de la part des parents, qui doivent apprendre à ne pas intervenir ou à ne pas proposer immédiatement une solution. Cela peut être inconfortable – personne ne veut voir son enfant se sentir « perdu ». Mais c’est précisément dans cet inconfort que se trouve une leçon importante : les enfants apprennent à s’autoréguler, à diriger leur attention, et à se reconnecter à leur propre rythme. Tant que vous restez, en tant que parent, le port d’attache sécurisant lorsqu’une situation ne se passe pas comme prévu, tout ira bien. 

Pour Stefan Ramaekers, le défi est encore plus profond : « Éduquer n’est pas une technique qu’on peut simplement apprendre. C’est une pratique relationnelle, qui comporte toujours une part d’incertitude. On ne sait pas quel sera l’effet de ce que l’on fait. Et cela, il faut l’accepter. » Le slow parenting ne signifie donc pas seulement faire moins, mais surtout être présent autrement : avec confiance dans le processus, pas dans le résultat. ☉ 

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