Hôtel maman complet
Toujours disponible, toujours « connectée ». Pour de nombreux parents, c’est une réalité quotidienne : une vie menée en pilote automatique, guidée par le sens du devoir, la culpabilité ou le perfectionnisme. Jusqu’à ce que le corps tire soudainement le frein à main. Comment une maman peut-elle se décharger et se réguler à temps pour éviter de se vider peu à peu ?
Nous vivons dans une société où l’on attend des mères qu’elles soient tout à la fois : un parent attentionné, une partenaire aimante, une employée dévouée, une amie présente – le tout de préférence avec une maison bien rangée et un repas sain sur la table. Sur les réseaux sociaux, beaucoup donnent l’impression que cela va de soi. Mais derrière ces photos et vidéos parfaitement cadrées, se cache souvent une profonde
fatigue silencieuse.
« Nous tombons de plus en plus dans un paradoxe du bien-être », témoigne Daisy Buttiens, mère de deux jeunes enfants, psychologue spécialisée en traumatologie et fondatrice de Resilire. « Plus on se sent mal, plus il devient difficile de faire les choses qui justement nous feraient du bien. Car quand je me sens mal et que je rentre à la maison, je me retrouve, sans m’en rendre compte, à scroller sur mon téléphone pendant une heure, affalée dans le canapé. Alors que cela ne fait qu’ajouter des stimuli et du stress. »
Pourquoi avons-nous, en tant que mères, le sentiment que nous devons tout gérer ? Selon Daisy, cela s’explique en partie par notre éducation : « La plupart des adultes d’aujourd’hui ont été élevés par des générations ayant vécu la guerre, ou par ceux qui ont été élevés par ces générations-là. Ce sont nos mineurs, nos agriculteurs, des gens qui ont travaillé très dur… et qui nous ont aussi élevés durement.
Mais, aussi difficiles que ces temps aient été, ils connaissaient des moments de repos naturels : un bavardage avec le voisin, la messe du dimanche… Ils ne vivaient pas dans une société continue, surstimulée comme la nôtre. Nous avons appris à continuer sans cesse, mais nous ne savons plus comment intégrer consciemment des pauses. »
Lies Clerx, maman de quatre enfants et fondatrice de Leading Moms, constate-t-elle aussi que l’équilibre est rompu. « Les papas d’aujourd’hui font déjà beaucoup plus que nos pères et grands-pères, il faut le reconnaître. Mais cela fait aussi partie de notre ADN. Nous n’avons vu nos grands-mères faire rien d’autre que s’occuper des enfants et petits-enfants. Quelque chose en nous murmure donc «c’est ton rôle», alors que la vie des femmes aujourd’hui est bien plus complexe. »

« Accepte que tout ne doive pas se dérouler parfaitement selon tes règles – et un tout nouveau monde s’ouvrira à toi. »
Bien plus qu’une simple fatigue
Le danger, lorsque l’on dépasse sans cesse ses limites, est de sombrer dans un épuisement physique, mental et émotionnel. On parle alors de burn-out parental, et selon une étude récente, un parent belge sur douze y est confronté. Pourquoi un terme spécifique, distinct du burn-out professionnel ? Daisy explique : « Quand des parents disent aujourd’hui qu’ils n’en peuvent plus, on leur répond souvent «c’est comme ça avec des petits, tu l’as voulu». Et c’est faux. Un pompier n’est pas censé avoir des brûlures simplement parce qu’il a choisi ce métier. Cette reconnaissance manque encore cruellement dans notre société. Être mère, combiné à tout le reste qui se joue dans ta vie, c’est parfois très lourd – et il est grand temps de l’admettre. »
Pour éviter d’en arriver là, il faut apprendre à se désaturer. Et selon Lies, cela n’est possible qu’en prévoyant des moments seule. « Ce n’est que lorsque tu es vraiment seule, connectée à toi-même, que tu pourras faire le vide dans ta tête. Saisis ces moments, même s’ils ne durent que dix minutes par jour. Respire, installe-toi dehors avec une tasse de thé, marche au parc pendant ta pause déjeuner… et savoure surtout ce moment où personne ne te demande rien. C’est réparateur pour ton système nerveux. »
Ici, la récupération est un mot-clé. « Se désaturer, pour moi, c’est éteindre le cerveau et le corps », confirme Daisy. « Nous avons tous besoin d’un peu de stress positif pour nous mettre en action – ne serait-ce que pour aller jusqu’à la machine à café. Ce stress nous pousse à l’effort. Mais la détente survient lorsque le cerveau et le corps sont d’accord pour dire qu’aucune action n’est nécessaire, ce qui réduit le stress et permet au corps de se réparer. Tu dois donc, chaque jour, passer trois fois dans un état de stress réduit – ce qui ne veut pas dire ne rien faire. Cela peut simplement consister à se lever cinq minutes plus tôt pour boire son café seule – sans répondre à des mails ni vider le lave-vaisselle. Ou à ne pas s’énerver dans les embouteillages, mais à respirer et profiter d’un instant de calme. »
S’accorder de l’espace, c’est aussi se donner de l’amour
Justement pour aider les mamans – souvent les piliers du foyer – à penser davantage à elles-mêmes, Lies a lancé avec une collègue les retraites Mom’s Up. « En groupe de 12 mamans, nous abordons ensemble des thèmes comme le soin de soi, la régulation des émotions ou l’enfant intérieur. Nous le faisons par exemple via des marches silencieuses, des cercles de parole entre mamans ou du travail corporel comme le yoga et la respiration consciente. Après quelques jours, nous assistons à de magnifiques transformations, où les mamans se reconnectent vraiment à elles-mêmes.
C’est magique. »
Écouter les autres peut donc aussi être bénéfique à la maison. « En cas de stress, je dis toujours : ne t’écoute pas toi-même, car tu ne sais rien », ajoute Daisy. « Les autres ressentent bien plus vite si tu es en stress. C’est pourquoi je recommande de mettre en place une représentation visuelle du niveau de stress dans la famille, comme un feu tricolore : rouge signifie danger, vert tout va bien. Chaque membre a une pince à linge à son nom et peut indiquer pour lui-même et pour les autres où il/elle en est. Cela améliore l’ambiance à la maison et c’est très instructif, si l’on est prêt à s’ouvrir. »
Au final, on ne peut bien s’occuper de ses enfants que si l’on s’occupe aussi bien de soi, conclut Lies. « Et si ton mari plie les serviettes de travers, qu’importe ? Accepte que tout ne doive pas se dérouler parfaitement selon tes règles – et un tout nouveau monde s’ouvrira à toi. » ☉