Inclusion & Diversité

Les disparités professionnelles entre les femmes et les hommes: «Les femmes reçoivent plus de retours sur leur personnalité»

décembre 3, 2024
par Tara Troch

Malgré l’attention croissante portée à l’égalité des genres, des différences tenaces subsistent entre les femmes et les hommes. Cela se vérifie également sur le lieu de travail. On pense souvent à l’écart salarial, mais il existe aussi un écart de genre caché en matière de culture du feedback, de parentalité et de stéréotypes. Peut-on combler cet écart ?   

L’écart de genre au travail reste un problème complexe en Belgique. Si certaines entreprises ont déjà fait des progrès significatifs, d’autres continuent de buter contre des différences structurelles en matière de salaire, d’opportunités de promotion et d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Michele Mees, experte en inclusion et diversité et cofondatrice d’Inclusion Now, constate que trop d’entreprises ont encore du mal à réaliser une véritable avancée : « Souvent, les bases manquent pour mesurer correctement l’écart de genre. » Son plaidoyer est clair : mesurer, c’est savoir. 

Prise de conscience vs. action

Les entreprises devraient mesurer l’inégalité à différents niveaux, car on pense encore trop souvent que l’écart de genre se limite à l’écart salarial. « L’égalité salariale n’est qu’un aspect de l’écart de genre », explique Michele Mees. « La manière dont une entreprise aborde la flexibilité, l’évolution de carrière, la formation, le mentorat, le feedback dans les évaluations… est tout aussi importante à prendre en compte dans les mesures. Les stéréotypes jouent également un rôle important ici. Souvent, nous avons des attentes spécifiques sur la manière dont un homme ou une femme doit se comporter professionnellement. Concrètement, cela signifie que dans les entretiens d’évaluation, par exemple, les femmes reçoivent plus souvent des retours sur leur personnalité, leur comportement ou leur style, tandis que les hommes bénéficient d’un coaching actif sur la façon de se développer ou d’acquérir des compétences fonctionnelles. » 

Des exemples comme celui-ci rendent la progression plus difficile pour les femmes, car il est plus complexe de modifier son caractère que de développer une compétence. Le fait que certains leaders encouragent à adopter un certain comportement constitue un biais d’affinité. « Il s’agit du phénomène selon lequel les managers, consciemment ou inconsciemment, prennent sous leur aile des personnes dans lesquelles ils se reconnaissent. Si vous êtes donc ‘différent’ de la majorité des employés de l’organisation, il devient très difficile de se faire une place », poursuit Michele Mees. « On perd ainsi en diversité dans l’équipe, pourtant nécessaire à la croissance de l’entreprise. Plus l’homogénéité est présente, moins il y a d’espace pour une réflexion innovante. Pour remédier au déséquilibre entre hommes et femmes, il faut donc d’abord prendre conscience de l’importance de la diversité des profils avant d’aborder la question. » 

« Souvent, les bases manquent pour mesurer correctement l'écart de genre. »

— Michele Mees, experte en inclusion et diversite et cofondatrice d’Inclusion Now

Impact sur la parentalité ou la maternité ? 

Que les stéréotypes aient encore un poids est prouvé par l’impact de la maternité sur la carrière des femmes. Véronique De Baets, porte-parole de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, constate que la naissance d’un enfant a un effet négatif sur la carrière des femmes, alors qu’il est positif sur celle des hommes : « Nos chiffres montrent que l’écart salarial chez les femmes célibataires sans enfants est de 7 % en faveur des femmes – elles gagnent donc plus que les hommes célibataires, en partie parce que les femmes obtiennent des diplômes plus élevés – alors que chez les couples avec enfants, l’écart salarial est de 7 % en faveur des hommes. Cela vaut aussi pour le taux d’emploi : celui des femmes célibataires est plus élevé que celui des hommes célibataires. Mais dès qu’une femme est en couple ou a un enfant, on observe une baisse du taux d’emploi, tandis que celui de l’homme dans la même situation augmente. » L’impact de la maternité sur la carrière et le salaire est donc énorme. 

Selon Véronique De Baets, de nombreuses inégalités structurelles subsistent selon les secteurs, notamment entre les femmes et les hommes. « Nous vivons encore dans une société façonnée par les stéréotypes, où les attentes pour les filles et les garçons sont différentes. Par exemple, nous avons des secteurs très féminisés comme les soins de santé, la garde d’enfants, les titres-services, l’enseignement… où les salaires sont généralement plus bas que dans les secteurs dominés par les hommes, comme la construction, les secteurs numériques, les métiers techniques… » Si l’on ajoute le fait que près de 40 % des femmes actives en Belgique travaillent à temps partiel, on voit qu’il y a un risque accru de pauvreté pour les femmes. « Deux exemples illustrent ce risque de précarité accrue pour les femmes. Le risque de pauvreté tout d’abord, qui est beaucoup plus élevé pour les parents isolés avec enfants. Il s’élevait à 30.5% en 2023 contre 18.6% en général. Sachant que 80 % de ces parents isolés sont des femmes, elles sont donc plus exposées à ce risque. Ensuite, l’écart de pension est réel, car les femmes, en raison du travail à temps partiel ou des interruptions de carrière, accumulent moins de droits de pension. L’écart de pension entre les femmes et les hommes est donc de 23 %, un chiffre hallucinant quand on sait que l’écart salarial n’est ‘que’ de 8 % », explique Véronique De Baets. 

La solution ? 

Il n’existe pas de solution unique pour combler l’écart de genre. Cependant, des efforts peuvent être faits pour réduire cet écart et, espérons-le, à terme, l’éliminer. Véronique De Baets propose ainsi de rendre le congé de paternité obligatoire, afin de provoquer un changement de mentalité au sein des entreprises et de donner un bon exemple aux hommes, quel que soit leur niveau dans l’entreprise. Michele Mees partage cet avis et conclut : « Si nous voulons vraiment progresser, nous devons travailler sur la structure, la politique. Que dit-elle, par exemple, sur la parentalité, le travail hybride et la flexibilité, la gestion des horaires, les rôles de soin… Réaliser un audit des dimensions de genre d’une entreprise peut marquer le début de nombreux changements. » 

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