Qu’est-ce qui t’a donné envie de lancer ton blog et ton Insta ?
« À la base, je suivais des blogueuses mode. Mais un truc me chiffonnait : elles étaient soit ultra minces, soit vraiment rondes. Moi, j’adorais m’habiller mais je galérais à trouver des fringues à ma taille. Du coup, je me suis dit : « Y a sûrement d’autres meufs comme moi ». J’ai ouvert un blog pour partager mes astuces. Et comme Insta commençait à cartonner, j’ai ouvert mon compte pour relayer tout ça. »
Tu as toujours été « grande taille » ?
« Oui, la plupart du temps. Bon, j’ai fait des régimes à gogo, j’ai pris, perdu… Mais vers 15-16 ans, j’ai commencé à prendre du poids. Même plus mince, j’avais des formes. Genre des hanches, un vrai corps quoi ! Même en 42-44, je galérais à trouver un jean. Alors autant dire qu’au-delà… »
Du coup, tu as toujours évolué dans un univers où les corps ronds étaient normaux pour toi ?
« Complètement ! Dans ma famille, on est plusieurs à avoir des formes. On a grandi comme ça, c’était pas tabou. Mais à l’adolescence… »
C’est là que ça se complique ?
« Grave. J’étais ultra complexée. C’était pas tous les jours facile à l’école. Et puis, on va pas se mentir, à l’époque, les magazines, la télé… aucune représentation de filles comme moi. Je pensais que j’étais « anormale ». Franchement, cette période, c’était pas une partie de plaisir. »
Est-ce que l’école a un rôle à jouer, selon toi, dans l’inclusion des personnes rondes dans la société ?
« Un rôle central. Il y a du taf. Il faut de la représentation, dans les livres, les films, les pubs… Quand la différence sera partout, elle ne sera plus « différente ». »
C’est cette frustration qui t’a poussée à faire de ton compte un espace safe, où tu es authentique et où tu montres aussi les coups de mou ?
« Carrément ! J’ai posté une vidéo une fois où j’étais super décue après une séance de shopping parce que rien ne m’allait. C’était pas un cri du cœur pour me plaindre, c’était juste pour montrer que oui, il y a des jours où je me sens naze. Et c’est OK. J’essaie de garder le plaisir de m’habiller, même si je sais que certains magasins n’ont pas ma taille. J’ai appris à ruser : chercher des pièces oversize, des accessoires, une blouse cool… »
Et ce côté « copine qu’on adore », c’est aussi ce qui te rend si proche de ta communauté, non ?
« Peut-être ! En tout cas, je suis comme ça dans la vraie vie. Je fais mes lessives, mes courses, comme tout le monde. Oui, je reçois des produits, je vais à des events, mais je reste moi. Et j’adore quand je croise des abonnées et qu’elles me disent « t’es comme sur Insta », parce que c’est exactement ce que je veux transmettre. »

« Marine, tu veux passer ta vie à te détester ou tu veux kiffer ? »
Comment choisis-tu les marques avec qui tu collabores ?
« D’abord, je me demande si j’aurais acheté le produit moi-même. Ensuite, je vois si ça colle avec ce que je partage : mode, beauté, un peu de déco (je suis architecte d’intérieur à la base). Et si une marque n’est pas encore inclusive mais fait des efforts pour s’améliorer,
là je peux dire oui. L’important, c’est que ça reste aligné avec mes valeurs. »
Et en tant qu’influenceuse belge, tu trouves ta place dans ce monde un peu saturé ?
« C’est pas toujours simple. En Belgique, on bosse surtout avec des marques food, très peu de mode. Et quand on en trouve, c’est souvent mal payé. Avant, les marques venaient vers toi parce qu’elles aimaient ton univers. Maintenant, t’es un chiffre dans un tableau. Une fois, j’ai même dû envoyer une vidéo pour ‘prouver ma motivation’ à une marque avec qui je bossais depuis des années. Ça m’a fait bizarre… »
Tu parles souvent de self-love. Pour toi, c’est quoi concrètement ?
« C’est le choix de s’aimer, de se mettre en priorité, de vouloir être heureux. À un moment, j’ai eu ce déclic : ‘Marine, tu veux passer ta vie à te détester ou tu veux kiffer ? ‘. Et j’ai choisi de m’aimer, tout simplement. »
Que penses-tu des interventions chirurgicales et de toutes ces alternatives médicales pour perdre du poids qui sont actuellement très en vogue ?
« Il ne faut jamais dire jamais. Franchement, les rides, parfois je suis tentée (rires). Mais pour le poids, j’essaie de pas tomber là-dedans. Parfois, je pense aux opérations et je me dis : « Et si… ». Mais j’ai conscience que ça ne règle pas tout. Donc pour l’instant, je préfère rester comme je suis. Et je juge personne ! Si ça aide quelqu’un à se sentir mieux, tant mieux. Ça ne doit juste pas virer à l’obsession. »
Comment tu perçois l’évolution de l’inclusion dans le marketing, la mode, les campagnes de pub ? Tu sens que ça progresse vraiment, ou que c’est plutôt un effet de mode, quelque chose de superficiel ?
« Je suis un peu mitigée. Il y a des marques qui le font par effet de mode, clairement. C’est devenu presque obligatoire pour ne pas se faire lyncher sur les réseaux. Mais même si ça part parfois d’une intention pas très sincère… s’ils le font, c’est déjà ça. Cela dit, parfois, c’est très limite. Quand une grande marque fait un défilé et qu’on nous met une seule mannequin taille 42, j’ai envie de leur dire : « Vous appelez ça de la diversité ? » »
Tu penses que les réseaux sociaux sont un levier fort pour promouvoir la diversité ?
« Oui, vraiment. Les réseaux ont beaucoup de côtés négatifs, mais pour moi, ils ont quelque chose de magique. C’est un espace où tout le monde peut prendre la parole. Je suis plein de femmes inspirantes, dont une ballerine grosse qui fait de la danse classique. Moi, j’ai dû arrêter parce qu’on me disait que j’étais trop lourde, que je ne pourrais jamais danser sur pointes. Et là, je vois une nana comme ça, ou une autre qui danse en étant grosse… et qui est exceptionnelle. Juste le fait de savoir que c’est possible, ça ouvre des perspectives. »
Et à l’inverse, les réseaux peuvent aussi propager des tendances plus toxiques.
Tu penses parfois à ça ?
« J’ai un bon feed, je ne vois que des femmes badass et du body positive. Et franchement, c’est aussi à nous de choisir ce qu’on veut voir. On a une certaine responsabilité là-dessus.
Si un contenu me fait du mal, je le supprime. J’ai déjà vu des filles magnifiques se plaindre de leur corps, et même si elles ont le droit de le faire, si ça vient me plomber, je me dis : « Marine, unfollow. » Et je pense que chacun peut faire pareil, filtrer ce qui lui fait du bien. »

« Si je commence à trop me demander comment ça va être perçu, je ne poste plus rien. »
On sent que tu as un caractère affirmé, que tu es dans l’acceptation de toi-même, mais est-ce que tu réalises l’impact que tu peux avoir sur des jeunes en quête d’identité ?
« Ça dépend. Quand je poste, j’essaie toujours de me mettre dans la peau de la Marine de 16 ans, qui n’allait pas bien. J’essaie de rester sincère. Si je commence à trop me demander comment ça va être perçu, je ne poste plus rien. La plupart de mes abonnées ont mon âge ou plus, mais je pense que ça touche aussi des plus jeunes. J’ai reçu des messages incroyables. Une fille m’a dit : « J’ai mis une robe aujourd’hui, ça faisait des années que je ne le faisais plus. » Ça, c’est dingue. Et je me dis que je fais quelque chose de bien, pour les jeunes comme pour les moins jeunes. »
C’est facile de concilier un autre emploi avec les réseaux ?
« C’est compliqué. Les réseaux, c’est ultra chronophage. Je garde un mi-temps en community management pour avoir une sécurité financière, pour pouvoir dire non à une collaboration si elle ne me correspond pas. Mais c’est dur, parce que ça demande beaucoup de temps, les tendances évoluent vite, il faut poster régulièrement… Mais bon, j’adore ce que je fais. »
Et si un jour tu devais choisir entre les deux ?
« Curvy Blue Marine, sans hésiter. Ça fait huit ans que je suis là-dedans. Même si parfois c’est difficile, j’y reviens toujours. Je ne suis pas prête de m’en lasser. »
Qu’est-ce que tu conseillerais aux marques qui veulent vraiment faire plus pour l’inclusion ?
« D’aller à la rencontre de leurs clientes. Il y a tellement de morphologies différentes, et souvent, les marques pensent qu’il suffit d’ajouter quelques centimètres pour faire du « grande taille ». Mais ça ne suffit pas : c’est une question de coupe, de formes, d’adaptation. Il y a un vrai travail à faire à ce niveau-là, même en production c’est un défi. Et pourtant, on est nombreuses sur les réseaux, donc il y a un vrai potentiel à exploiter. »
Tu parlais de ton emploi du temps bien rempli. Comment tu gères ta vie perso avec tout ça ?
« J’essaie de poser des limites. Le soir, quand ma compagne rentre, je coupe. Maintenant, on peut programmer les posts à l’avance, donc j’en profite pour m’organiser dans la journée. Avant, je me mettais la pression pour poster tous les jours, faire tant de stories… Là, j’apprends à lâcher prise. Si ce n’est pas posté aujourd’hui, ce sera demain. Ma priorité, c’est ma vie, l’instant présent. »
Tu as des projets à venir sur l’inclusion et la diversité ?
« Oui ! Le 6 avril, j’ai organisé une journée qui s’appelait « Rendez-vous avec toi m’aime », une journée dédiée à la confiance en soi. Il y avait du yoga, une conseillère en image, une maquilleuse, des conférences, un atelier d’écriture, un shooting photo avec des vêtements de chez Lola Liza dont je suis ambassadrice… et surtout beaucoup de bienveillance. On était entre femmes avec les mêmes préoccupations, c’était hyper fort.
J’aimerais bien refaire ce genre d’événements. Une version plus « spicy » aussi, avec un cours de danse sur talons, ou même de la lingerie pour celles qui oseraient. »
Et si tu avais la Marine de 16 ans en face de toi, tu lui dirais quoi ?
« Que le physique, ce n’est pas tout. Que c’est important à cet âge-là, mais qu’elle sera aimée, qu’elle aura des amis, qu’elle ne sera pas seule. Qu’elle arrête de se plier en quatre pour plaire aux autres.
Et que plus tard, il y aura plein de nanas qui la suivront pour ce qu’elle est, et qu’elle put être fière ! » ☉

Le Saviez-vous…
Marine déborde d’idées et de projets. En exclusivité, elle détaille :
« Je me suis inscrite à une formation pour devenir moi-même conseillère en image. J’aimerais proposer ça à mes abonnées. Développer mes propres produits aussi, organiser d’autres événements, des vide-dressings inclusifs… Et pourquoi pas, un jour, créer une marque de vêtements grande taille. C’est un rêve. »