Un zeste de voyage, une pincée d’audace : voici comment inviter le monde dans votre propre cuisine
Nous, les Belges, sommes des citoyens du monde. N’est-ce pas ? Nous découvrons le monde à travers les films que nous réalisons, la musique que nous écoutons et les vêtements que nous créons. Mais dans notre cuisine, nous restons nettement plus conservateurs. Trop provinciaux ? Pas assez téméraires ? Prouvez le contraire et transformez votre cuisine en un voyage culinaire avec les conseils de deux chefs gastronomiques !
Le chef Timothy Tynes a été plongé dès son enfance dans les saveurs du monde. Sa ville natale, Amsterdam, était un véritable carrefour de cultures, dont il a su s’imprégner avec gratitude. « Ma voisine était d’origine surinamienne-antillaise. C’est elle qui m’a appris à préparer le bara, une pâte à pain frite mélangée à du curry », raconte Tynes avec passion. « Notre curry belge, préparé avec de la pomme et de la poudre de curry, est en réalité d’origine française. Son goût n’est pas mauvais en soi, mais le véritable curry est oriental. On y retrouve les arômes de l’Asie traditionnelle. »
Aujourd’hui, Tynes dirige la cuisine de l’Atelier Maple à Anvers. Dans son atelier, il crée des plats uniques aux influences internationales. « La base est la cuisine française classique, que nous interprétons à notre manière. Nous ne servons pas le tartare de bœuf avec les cornichons, l’oignon et la moutarde habituelle, mais avec des saveurs indonésiennes comme le galanga, une variété de gingembre, ou l’assaisonnement bumbu. En amuse-bouche, nous proposons toujours une petite soupe, par exemple à la courge et au curry vadouvan. Ces incursions dans le monde apportent de la profondeur à une cuisine. »
Voyager et acquérir du savoir
Le grand chef a déjà exploré une bonne partie du monde. Il a voyagé en Thaïlande, Indonésie, Vietnam, Japon, Italie, Espagne et Turquie pour en percer les secrets culinaires. « La cuisine turque est d’ailleurs grandement sous-estimée », affirme Tynes. « C’est l’une des cuisines les plus modernes et riches, bien au-delà de la pita, du dürüm ou du lahmacun (pizza turque) que nous consommons ici avec plaisir. Si vous goûtez à un baklava dans un petit restaurant d’Istanbul, vous en lécherez vos doigts. C’est littéralement un monde de différence. »
Tynes admet avoir acheté une grande partie de ses connaissances. « J’ai une bibliothèque personnelle de plus de 300 livres expliquant comment composer un curry thaïlandais, quelles épices utiliser pour des tacos mexicains ou une mole, ou encore comment laver le riz à sushi selon les règles d’un grand chef japonais. »
Si vous voulez vous lancer dans la cuisine du monde en tant que cuisinier amateur, la première étape est d’acheter un bon livre de recettes, conseille Tynes. « Lisez comment préparer un tataki japonais ou des albondigas espagnoles, rassemblez les ingrédients et lancez-vous. En quelques mois, votre placard sera rempli des épices et herbes les plus surprenantes. » Il recommande aussi de former votre palais en cherchant de bonnes références. « Allez en Sicile pour savoir quel goût ont vraiment les arancini, ces populaires boulettes de risotto. Ou visitez un bon restaurant dans le quartier chinois, goûtez, interrogez le chef sur sa préparation et achetez les ingrédients dans la boutique en face. »
Depuis sept ans, Tynes travaille sans relâche pour prouver qu’une cuisine du monde peut aussi être gastronomique. « Pourtant, certaines personnes me regardent encore comme si je venais d’une autre planète lorsque je sers un korma d’agneau afghan avec du naan ou un tikka masala indien. » Ce que le Belge ne connaît pas, il ne le mange pas, observe Tynes. « Nous sommes pourtant l’un des peuples les plus riches en patrimoine culinaire. Nous servons des croquettes de crevettes et des vol-au-vent dans des préparations phénoménales. Mais nous repoussons encore trop peu nos propres limites. J’espère que les générations futures changeront cela. »

« Les saveurs umami sont un atout formidable pour enrichir la cuisine classique. »
Cuisiner avec personnalité
La chef Faty Khalis, d’origine marocaine, était mannequin dans son pays natal avant de parcourir le monde en tant qu’épouse d’un diplomate belge. Pendant dix-huit ans, elle a déménagé toutes les quelques années, changeant de pays ou de continent. « Je n’avais pas le droit de travailler, mais j’ai découvert des endroits fascinants où la cuisine jouait un rôle central. J’ai trouvé énormément de plaisir à cuisiner chez moi. »
En Libye et en Syrie, Khalis suit une formation culinaire. En Chine, elle découvre la cuisine japonaise et coréenne. En Colombie, elle explore les saveurs brésiliennes, argentines et mexicaines. « Comme je ne passais pas en touriste dans ces pays, j’ai pu apprendre leurs cuisines de l’intérieur. J’ai compris pourquoi les snacks frits dominent la cuisine indienne : les gens y vivent et mangent dans la rue. À l’inverse, la culture arabe, centrée sur la maison et la famille, privilégie la cuisine lente. »
Après son divorce, Khalis doit trouver un « vrai » travail. Elle commence à cuisiner chez les particuliers et se perfectionne en tant que chef. Avec succès. Depuis l’année dernière, elle dirige le restaurant Cèsi à Hasselt. « Dans mes plats, je fusionne la cuisine japonaise et française. Moi-même, j’adore les saveurs umami, qui sont rarement présentes dans la cuisine européenne. Elles constituent un atout formidable pour enrichir la cuisine classique. Ajoutez par exemple de la sauce soja à votre bouillon ou votre sauce au vin rouge, et vous obtiendrez une saveur unique et polyvalente. Ou encore, cuisinez votre poulet avec un filet de sauce soja : l’arôme umami imprègne alors délicieusement la viande. »
Les ingrédients secrets de Khalis pour les salades, soupes et sauces sont le gingembre et l’ail fumé. « L’odeur et le goût de l’ail fumé sont plus subtils que ceux de l’ail classique. C’est une épice que j’utiliserais dans tous les plats. Considérez-la comme ma signature personnelle. »
Selon la lady chef, un cuisinier doit toujours mettre sa personnalité dans ses plats. « Suivez votre intuition plutôt que la recette et travaillez avec ce que vous aimez. Vous n’aimez pas le cumin ou le paprika ? Ne les utilisez pas et choisissez autre chose. Remplacez le poisson par du poulet, le poireau par du pak-choï, et expérimentez. Mais surtout : cuisinez avec amour. Sinon, mieux vaut commander un plat tout prêt. »