Healthcare

Entre austérité et nécessité de refondation

juin 26, 2025
par Justine Doyen

Alors que le vieillissement de la population et la chronicisation des pathologies pèsent sur les finances publiques, des pistes de réforme émergent. Parmi elles, le refinancement des soins dentaires et le renforcement du suivi des patients apparaissent comme prioritaires. 

Un système sous pression

Bien que la Belgique investisse massivement dans les soins de santé, les moyens n’évoluent pas au même rythme que les besoins. Pour Brieuc Wathelet, co-responsable du plaidoyer et des études chez Solidaris, la situation est préoccupante : « On entre dans une logique d’austérité structurelle, alors même que les besoins en santé sont croissants », alerte-t-il. 

De son côté, le professeur Guy Durant, administrateur général honoraire des Cliniques universitaires Saint-Luc, reconnaît l’absence de réforme globale : « On parle de plusieurs chantiers en parallèle, mais je ne vois pas, à part le choix pour les généralistes d’un paiement mixte (partie á l’acte, partie au forfait), d’autres réformes structurelles », observe-t-il.

Les soins dentaires incarnent à eux seuls les failles du système. Mal remboursés, souvent pratiqués par des prestataires non conventionnés, ils restent inaccessibles pour une part croissante de la population. Selon Brieuc Wathelet, «40% des personnes renoncent à des soins faute de moyens dont 1 personne sur 3 pour des soins dentaires, ce qui est énorme!»

Guy Durant pointe la problématique du déconventionnement : « Beaucoup de dentistes, comme pas mal d’autres spécialistes, ne sont pas ou plus conventionnés. Cela crée une médecine à deux vitesses.» 

Repenser recettes et priorités.

La tension entre austérité budgétaire et besoins de financement croissants est au cœur du débat. 

« On ne peut pas prétendre investir dans la santé tout en imposant des coupes budgétaires chaque année. Ce paradoxe montre que la question des recettes est essentielle », insiste monsieur Wathelet. « Il faut aller chercher l’argent là où il se trouve. Le secteur pharmaceutique réalise plus d’un milliard d’euros de surprofits par an. Pourquoi ne pas imposer une contribution équitable ? »

Même son de cloche chez Guy Durant, qui appelle à repenser la logique de financement à l’acte :

« L’OMS estime que 30 % des actes médicaux sont inutiles ou inappropriés. En Belgique, on parle de 20 %. C’est une économie potentielle immense ».

Selon les experts, la prévention est la grande oubliée du système belge. Seuls 2 à 3 % des dépenses y sont consacrés, contre une moyenne de 6 % en Europe. Pour Guy Durant, « la prévention relève des Régions, tandis que le curatif dépend du fédéral. Celui qui investit dans la prévention n’en tire pas directement les bénéfices », résume-t-il, dénonçant un cloisonnement institutionnel contre-productif. Si des incitations à la prévention, , ont été mises en place, elles restent marginales dans un système encore trop curatif.

Monsieur Wathelet élargit encore la critique : « La santé doit être prise en compte dans toutes les politiques publiques. Ce n’est pas utile d’avoir un hôpital du XXIe siècle si vous vivez dans un logement insalubre, respirez un air pollué et mangez mal ».

L’hôpital de demain doit être davantage centré sur les soins ambulatoires et la médecine préventive.

— Guy Durant • Administrateur général honoraire des Cliniques universitaires Saint-Luc

Vers une médecine plus intégrée.

La digitalisation, les soins à domicile, la personnalisation des traitements : tous ces éléments sont perçus comme les clés d’un système de santé plus efficace et humain. Mais encore faut-il assurer leur financement. Guy Durant défend une réforme en profondeur : « L’hôpital de demain sera moins centré sur l’hospitalisation classique, avec davantage de soins ambulatoires et de médecine préventive. » Il plaide aussi pour une meilleure coordination entre les différents niveaux de soins : « Les soins sont trop fragmentés aujourd’hui. Il faut élargir les réseaux hospitaliers à l’amont ainsi qu’à l’aval : consultations de contrôle, soins à domicile,… »

Comme le résume monsieur Durant, « Le système belge n’est pas mauvais, mais il doit évoluer.  Les mots d’ordre doivent être : soins de qualité, accessibles, appropriés, efficients, intégrés et de valeur ajoutée. » Le chantier est immense, mais la santé d’un pays vaut bien quelques arbitrages courageux.

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