Par Tara Troch

Vincent Seynhaeve : Réunir tous les partenaires pour créer un système de santé durable

Il est médecin de formation, mais travaille aujourd’hui dans l’industrie pharmaceutique. Vincent Seynhaeve est directeur médical chez Pfizer Belgique et travaille chaque jour à ce qu’il y a, selon lui, de plus beau : avoir un impact positif sur la santé de chaque Belge.

Il est médecin de formation, mais travaille aujourd’hui dans l’industrie pharmaceutique. Vincent Seynhaeve est directeur médical chez Pfizer Belgique et travaille chaque jour à ce qu’il y a, selon lui, de plus beau : avoir un impact positif sur la santé de chaque Belge.  

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2023, près de 45 000 personnes travaillaient directement dans les entreprises biopharmaceutiques en Belgique. Plus de 15 millions d’euros par jour ont été investis en recherche et développement, la Belgique a exporté pour plus de 78 milliards d’euros de médicaments et vaccins, et le secteur a généré une valeur ajoutée de 13,4 milliards d’euros. Notre pays est l’un des leaders mondiaux de l’industrie pharmaceutique. 

Comment êtes-vous arrivé dans ce secteur ? 

« J’ai suivi une formation en médecine pour finalement intégrer l’industrie sans vraiment savoir de quoi il s’agissait à l’époque. Je m’y suis plongé et j’ai aimé cela. Vous savez, en tant que médecin dans un hôpital, vous travaillez souvent en tête-à-tête avec un patient, mais dans l’industrie, vous œuvrez davantage à la gestion de la santé des populations en général. Cette approche, qui consiste à penser à un grand groupe de patients est une manière totalement différente d’aborder la santé et les soins, mais elle correspond parfaitement à la personne que je suis. » 

Et chez Pfizer, vous pouvez vous concentrer entièrement sur ce bien-être de notre population ? 

« Absolument, Pfizer porte l’innovation dans son ADN et offre énormément d’opportunités. Nous faisons partie des grands acteurs du secteur, et je pense que nous devons pousser cette innovation, avec tous les autres partenaires en Belgique. Les gouvernements, les hôpitaux, les médecins, le secteur pharmaceutique… Nous devons tous écouter les besoins des patients et les placer au cœur de nos objectifs communs. »  

Ne faisons-nous pas cela déjà ? 

« Dans une certaine mesure, oui, mais tout reste trop fragmenté. Nous sommes tous assis sur des montagnes de données, et chacun en fait quelque chose de son côté. Les combiner ou les partager pourrait offrir un avantage énorme. Surtout pour le patient : nous devons veiller à ce qu’il puisse gérer et comprendre ses propres données. Je pense que c’est là que nous faisons parfois des erreurs aujourd’hui. En se rendant compte du potentiel qu’offrent les données et en osant franchir des étapes, nous pouvons faire beaucoup plus pour le patient et améliorer notre efficacité sans augmenter les coûts. » 

Partageons-nous déjà ces données ? 

« Partiellement. Il existe déjà de belles initiatives montrant que nous allons dans la bonne direction. Par exemple, les SOLID-pods (POD = Personal Online Datastore), des coffres-forts numériques privés qui stockent vos diplômes, vos données médicales ou celles de votre tracker d’activité physique, et auxquels le propriétaire peut donner accès à qui il désire. La Flandre a développé une expertise particulière dans cette technologie de soutien et s’engage pleinement à ce que chaque Flamand ait son propre datapod d’ici 2030. Je pense aussi à l’Agence des Données de Santé (Health Data Agency) par exemple, qui vise une approche plus uniforme, transparente et sécurisée pour la réutilisation des données de santé. Ce sont tous des systèmes strictement régulés et prouvés sûrs pour le patient. Il existe donc déjà un cadre à partir duquel nous pouvons progresser. » 

Comment ces datapods peuvent-ils contribuer à de meilleurs soins ? 

« Leur principal avantage est que le patient se sent davantage impliqué et mieux informé. Aujourd’hui, la communication est souvent unidirectionnelle. Je crois que si un patient est mieux informé sur une thérapie donnée, il utilisera également mieux les médicaments qui y sont associés. Par conséquent, leur efficacité augmentera, ce qui signifie qu’un patient retournera moins vite dans le circuit de soins, réduisant ainsi les coûts pour le gouvernement. » 

« Médicaments, vaccins, recherches cliniques… sont accessibles à tous. Mais tout le monde n’a pas les mêmes opportunités. »

Cela revient donc à parler de prévention ? 

« Oui, et les gens n’en sont souvent pas conscients. Prenons un exemple : votre statut vaccinal. Il est peut-être quelque part dans la plateforme Vaccinnet ou dans d’autres systèmes, mais en tant que patient, vous n’en avez pas toujours un aperçu clair ; cela vaut aussi pour d’autres informations pertinentes. Personne ne suit cela de près, ce qui est dommage, notamment pour les rappels ou les suivis de vaccination. Ces données devraient être centralisées pour chaque patient afin de pouvoir travailler à une meilleure santé à la fois de manière proactive et réactive. » 

Cela ressemble à l’avenir. 

« Je crois vraiment qu’avec ces datapods, nous pouvons devenir un exemple pour d’autres pays, un fleuron belge dans la gestion de la santé des populations. Avec des données provenant d’un grand nombre de patients, les médecins pourraient faire de meilleures analyses et ajuster positivement si nécessaire. Nous pourrions aller véritablement vers la médecine personnalisée. Aujourd’hui, nous menons de nombreuses recherches cliniques, mais elles se déroulent toujours dans un cadre idéal, où le résultat d’une étude sur un grand groupe s’applique en fait à une seule personne : le patient moyen. Mais personne n’est moyen. Si nous passons à un système centralisé, nous pourrons, sur la base de données diversifiées comme l’âge, les antécédents, le mode de vie, effectuer une analyse plus fine et offrir des thérapies plus individualisées. Cela est beaucoup plus efficace, car nous pourrons générer de meilleurs résultats avec les mêmes ressources et aider plus de patients avec le même budget. » 

Mais la recherche clinique reste importante ? 

« Bien sûr, elle est cruciale mais là encore, j’en viens à l’équité en santé. Médicaments, vaccins, recherche clinique… sont théoriquement disponibles pour tous en Belgique. Mais tout le monde n’y a pas le même accès. Par exemple, si une étude est menée dans un centre à Liège, les habitants de cette région auront plus rapidement la possibilité d’y participer. Nous risquons donc d’exclure certains patients vivants plus loin, qui pourraient pourtant être éligibles à l’étude et à ce nouveau traitement innovant. C’est quelque chose que les datapods pourraient également résoudre. À terme, énormément de choses sont possibles pour le bénéfice de la société et du patient. » 

Nous devons donc agir maintenant ? 

« Oui, il y a encore tellement de possibilités. Mais nous devons rassembler tous les partenaires pour créer un système de santé durable qui, avant tout, implique davantage les patients et leur offre à toutes les mêmes chances. Nous devons jouer notre rôle et nous poser la question : comment faire mieux ? » 

LE SAVIEZ-VOUS ? 

Que seriez-vous devenu si vous n’aviez pas choisi l’industrie pharmaceutique ?

« Je suis heureux des choix que j’ai faits, mais peut-être quelque chose de plus créatif. J’ai toujours eu une attirance pour l’architecture. Je suis quelqu’un qui recherche des défis. J’aime comprendre, analyser et améliorer les choses, et j’ai souvent du mal à accepter l’inefficacité. Cela revient toujours. » (rit)

décembre 16, 2024
par Tara Troch
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