Inclusion & Diversité

Trop peu d’attention sur la diversité dans la santé mentale

décembre 18, 2024
par Kim Beerts

Une dépression, une crise d’angoisse ou du stress: peu importe les origines ethniques, culturelles ou religieuses des gens, les problèmes qu’ils rencontrent sont souvent similaires. Mais l’expérience et la manière de les gérer diffèrent. Pourtant, de nombreux thérapeutes ne s’en rendent toujours pas compte. Nos soins en santé mentale sont-ils encore trop influencés par une vision occidentale et blanche ? 

Notre société est fortement diversifiée, mais notre perspective ne l’est pas toujours. Cela s’applique également aux soins de santé mentale. « Quand j’ai demandé à un jeune Afghan comment son entourage aborde la puberté, il m’a répondu, en plaisantant, qu’on y consacre cinq minutes », raconte Chris Noorduin, psychothérapeute dans l’équipe de soutien aux réfugiés du CGG VBO à Louvain. « Cette plaisanterie montre à quel point les cultures perçoivent différemment des étapes de vie similaires : en Afghanistan, un garçon de seize ans est considéré comme un homme qui doit travailler, tandis qu’ici, c’est encore un enfant scolarisé qui peut traverser la puberté. Notre existence, de la naissance à la mort, est marquée par la culture. Nous avons tous une vision unique de l’éducation, des soins aux personnes âgées, du deuil, etc., mais les soins de santé mentale peinent encore à s’adapter à cette diversité. » 

L’humilité culturelle 

Des recherches en Flandre ont déjà montré qu’un patient présentant des symptômes de dépression est moins souvent orienté vers un psychologue ou un psychiatre s’il a des antécédents culturels différents, et que les sentiments dépressifs sont alors jugés moins graves. « On constate que les personnes issues de la diversité sont sous-représentées dans les soins de santé mentale, bien qu’elles se trouvent souvent dans des situations de vulnérabilité et soient donc exposées à un plus grand risque de troubles psychiques », explique Noorduin. 

Les experts y voient plusieurs causes. L’une est la barrière linguistique, mais l’approche occidentale joue aussi un rôle majeur. « Pensez à la séparation entre corps et esprit : si nous distinguons le mental du physique, ce n’est pas le cas partout. De même, notre approche individualiste est moins naturelle pour des cultures collectivistes, où l’expérience individuelle est liée à celle de la communauté et à sa manière de gérer les choses. Cela me fait penser qu’il nous faudrait peut-être développer des thérapies plus “communautaires”. » 

Les soignants ne réalisent souvent pas que leurs propres préjugés influencent leur approche, remarque Ama Kissi, psychologue clinicienne et docteure en psychologie à l’Université de Gand. « L’idée de base des soins mentaux est de tenir compte de tous les aspects de la personne. Cela se fait dans bien des pratiques. Mais chacun regarde ces aspects à travers sa propre “lunette”. Et c’est précisément ce qui nous rend aveugles. Nous avons besoin d’une “lentille culturelle” pour pouvoir appréhender tous les aspects uniques de nos patients. » 

Chris Noorduin plaide également pour ce qu’il appelle l’humilité culturelle : « Pensez au jeune Afghan de seize ans : il vit ici et a droit à l’éducation, mais on ne doit pas lui enlever son “âme adulte” pour autant. Soyons donc “culturellement humbles” et montrons de la compréhension pour la manière dont les patients définissent leur situation, en ouvrant la voie à d’autres perspectives et approches. » 

« Cette approche sensible à la diversité est une première étape cruciale, mais elle ne suffit pas », commente le Dr. Kissi. « Il nous faut également un autre système. Un système où la diversité est reconnue, où le demandeur de soins est perçu comme l’expert – car qui mieux que lui sait ce qui se passe en lui et autour de lui ? – et où la force de la communauté est, elle aussi, intégrée. » 

Besoin de formation 

Notre société diverse nécessite donc des soins de santé mentale tout aussi diversifiés, mais les connaissances et méthodes actuelles ne sont souvent pas encore adaptées. « Cela commence dès les cadres théoriques, où il y a peu de place pour les influences sociales et culturelles, ou encore avec les études majoritairement menées sur des hommes blancs occidentaux. Les conclusions qui en découlent ne correspondent donc pas toujours à la réalité diversifiée du terrain », précise le Dr. Kissi. 

Chris Noorduin et ses collègues ont également ressenti cet écart et ont développé, via le CGG VBO en collaboration avec la KU Leuven et le UPC Kortenberg, une formation continue en santé mentale transculturelle. « Nous travaillons sur des thèmes comme la langue, la culture, la migration et la religion en lien avec la santé mentale, afin de fournir aux soignants des outils pour une approche sensible aux cultures. » Ama Kissi, récemment devenue elle-même enseignante à l’Arteveldehogeschool, soutient l’idée d’un cursus obligatoire sur ce thème: « Il faut s’exercer à embrasser la superdiversité et apprendre à s’ouvrir à d’autres modèles et explications. Cela nécessite cependant un apprentissage tout au long de la vie, car notre monde, comme toutes les cultures et les individus qui y vivent, évolue sans cesse. » 

Le défi pour les soins de santé mentale est donc d’apprendre à gérer positivement la diversité. 

Chris Noorduin : « On peut continuer à voir la problématique chez les personnes issues de l’immigration, et cela dure depuis des générations. La vraie solution est, selon moi, un secteur qui intègre la superdiversité dans son approche. » 

Ama Kissi se montre optimiste : « Il y a davantage d’attention portée à la diversité, mon panel de patients est plus diversifié qu’il y a cinq ans, des enseignants et chercheurs de couleur émergent, etc. Tout cela contribue à l’émergence d’une nouvelle “norme”. Nous devons – non, nous pouvons – oser rêver d’une nouvelle réalité. » 

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