Dermatologie, ophtalmologie, radiologie… Dans plusieurs spécialités, l’intelligence artificielle (IA) est déjà en action depuis de nombreuses années. Grâce à des algorithmes d’analyse d’images notamment, l’IA permet déjà de repérer des maladies invisibles à l’œil nu et d’établir des prévisions, ou de personnaliser des traitements. Peut-on parler de médecine du futur ? Pas encore, mais on s’en approche.
L’IA et la digitalisation est doucement mais surement en train de transformer la médecine. « La médecine de demain, c’est celle qui traitera chaque patient comme un cas unique : c’est une médecine prédictive, préventive, participative et personnalisée », explique Gaëtan Letesson, chef de service de médecine nucléaire du CHR de la Citadelle, à Liège. L’objectif ? Identifier les risques potentiels et adopter une approche préventive. « On pourrait surveiller en continu les paramètres vitaux des patients grâce à des dispositifs connectés, anticipant ainsi les problèmes de santé bien avant leur apparition », élabore le médecin. Ces données, combinées à des informations génétiques et environnementales, pourraient offrir une vision globale de la santé du patient.
En pharmacologie, l’IA promet aussi d’accélérer la recherche et le développement de médicaments, en identifiant des molécules prometteuses et en testant des traitements sur des « patients virtuels », continue Gaëtan Letesson. « On pourrait réduire les délais de plusieurs années à quelques mois pour certains traitements ». Les débuts sont prometteurs et les possibilités futures fascinantes.
Mais, malgré ses impressionnants progrès, l’utilisation de l’IA dans le secteur de la santé en est encore à ses débuts. « La réelle implémentation dans les hôpitaux est beaucoup plus lente que la technologie, observe l’expert. On note encore une grande défiance du personnel, tout comme des patients. » Normal, aujourd’hui, peu de médecins sont réellement formés à utiliser la bête. Chaque avancée scientifique crée un fossé de compétences et l’IA dans le secteur de la santé ne fait pas exception. Former les professionnels à ces nouvelles technologies est devenu primordial. Car comme pour les autres métiers, ceux qui rechigneront à l’utiliser resteront sur le bord de la route.
La première formation en Belgique
A l’heure actuelle, l’ULB et l’UMons sont les seuls à proposer une formation certifiante en IA et en médecine depuis 2021. « Avec ce certificat inter université en intelligence artificielle en médecine et santé digitale, qui complète la formation de base, notre objectif est de créer des corps d’alumni, en tant que soignants ou autres professionnels intéressés par la santé, qui soient capables de manager (sic) l’innovation en IA dans le milieu hospitalier et clinique au sens large, mais aussi politique », explique Giovanni Briganti, médecin psychiatre et chef de service de médecine computationnelle et neuropsychiatrie à UMons, enseignant à l’ULB et co-pilote du certificat avec Karim Zouaoui Boudjeltia, enseignant à l’ULB et UMons, en charge du laboratoire de médecine expérimentale de la faculté de médecine de l’ULB.
Outil d’aide à la décision, l’IA est devenue un véritable partenaire de recherche, capable de formuler de nouvelles hypothèses et d’analyser des données complexes, explique le chercheur, spécialiste des enjeux épistémologiques liés à son utilisation en médecine. Toutefois, les trois experts insistent : l’IA, aussi performante soit-elle, ne remplace pas l’humain. « Selon Kant, l’intelligence se mesure à la capacité de gérer l’incertitude, ce que l’IA ne fait pas, elle se contente de la calculer – laissant ainsi toujours le médecin au centre des décisions », continue Karim Zouaoui Boudjeltia, rappelant que l’IA n’a aucune émotion et que son rôle dans la relation patient-médecin reste bien limité. « C’est important de démythifier L’IA : ce n’est rien d’autre qu’une science computationnelle. »
Sécurité et financement : enjeu de taille
Pour que cette transition réussisse, la confiance des patients et du personnel médical est cruciale : la cybersécurité et la protection des données doivent être assurées. Mais il est aussi question d’argent évidemment. Le coût reste un frein majeur, surtout que le remboursement des frais médicaux pour des prestations liées à l’IA n’existe pas encore. « Sans un cadre de remboursement, on pourrait se retrouver avec une médecine à plusieurs vitesses, réservée aux plus aisés », alerte Gaëtan Letesson. De plus, la pérennisation des projets d’IA dans le secteur de la santé se heurte actuellement aussi à des contraintes budgétaires importantes et à une réglementation stricte en Europe, notamment en raison du RGPD, qui compliquent son implantation, commente Karim Zouaoui Boudjeltia.
Alors que l’intelligence artificielle a déjà démontré son potentiel pour révolutionner la médecine, son avenir repose toutefois sur un équilibre délicat : former les professionnels, garantir la sécurité des données, financer son déploiement et, surtout, ne jamais perdre de vue l’essentiel. Car derrière chaque algorithme, c’est toujours l’humain qui doit rester au cœur des soins.
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