Healthcare

La numérisation dans les soins : bénédiction ou source d’inquiétude ?

décembre 17, 2024
par Hannes Dedeurwaerder

L’objectif principal de la numérisation est d’apporter plus d’humanité dans les soins : cela peut sembler contre-intuitif, mais ce n’est absolument pas le cas. En rationalisant les processus de manière numérique, les prestataires de soins disposent de plus de temps et d’espace pour se concentrer sur le patient. C’est la raison pour laquelle Tom Van De Putte (avec Piet Van Steen) a développé Bingli, un chatbot basé sur l’intelligence artificielle qui prépare les patients à leur visite chez le médecin. « L’IA ne doit évidemment jamais prendre le dessus », explique-t-il. « Nous devons évoluer vers un système hybride où l’IA soutient le médecin. Le contact humain reste au cœur de tout. » 

Une réticence persistante 

Pourtant, Van De Putte constate que le secteur reste encore réticent face à la numérisation. « Il faut encore prouver, dans de nombreux cas, que la numérisation améliore la qualité et l’efficacité. De plus, la numérisation des dossiers médicaux, il y a dix ans, a considérablement augmenté la charge administrative, ce qui a créé une méfiance a priori envers la numérisation : on craint qu’elle ne génère encore plus de paperasse. En réalité, chaque nouvelle solution doit d’abord prouver son efficacité. » 

Un débat sur le “comment” 

« La numérisation reste un sujet de débat dans le secteur des soins », ajoute Tom Braekeleirs, conseiller en santé numérique chez NEXXTT.HEALTH. « Pourtant, on comprend maintenant que ce n’est pas une tendance passagère, comme la blockchain. C’était la grande nouveauté en matière d’autorisation, mais aujourd’hui on en parle peu. Concernant la numérisation, tout le monde s’accorde désormais sur le fait qu’elle a, et continuera à avoir, un impact. Mais sur le comment, les discussions restent ouvertes. » 

« Dans des domaines spécifiques comme la radiologie et l’oncologie, la numérisation et l’IA sont devenues incontournables », explique Van De Putte. « Mais dans les soins de première ligne, où la communication et l’interaction jouent un rôle central, on perçoit encore souvent cela comme un fardeau plutôt qu’un atout. » 

Un cadre clair 

Les règles strictes en matière de protection de la vie privée et le RGPD constituent-ils un frein à l’innovation numérique dans les soins ? 

« Les données personnelles sont des informations très sensibles », affirme Van De Putte. « Je pense donc qu’il est tout à fait justifié de les encadrer de manière stricte. Cela ne facilite pas l’innovation, mais je ne dirais pas pour autant que c’est un réel obstacle. Il existe des règles qu’il faut connaître et respecter. » 

 « Il y a l’aspect législatif et l’aspect éthique », ajoute Braekeleirs. « Ce n’est pas parce que le RGPD autorise quelque chose que c’est éthique, et ce n’est pas parce que c’est éthique que le RGPD l’autorise. Il est aussi facile de se plaindre : “le RGPD ne le permet pas”. Oui, mais le RGPD nous offre un cadre juridique clair dans lequel évoluer, et dans ce cadre, il y a encore des possibilités. » 

Pas une solution universelle 

L’IA fera-t-elle également une différence dans les soins de santé ? Van De Putte en est convaincu. « L’IA nous permettra de développer des modèles prédictifs encore plus puissants : des conseils en matière de mode de vie, la reconnaissance de schémas. Je pense aussi que ce sera nécessaire pour maintenir la santé financière du système de soins. Mais on ne peut pas l’utiliser comme une solution universelle. Il faut réfléchir : est-il pertinent d’utiliser l’IA ici ? Est-elle fiable ? Apporte-t-elle une valeur ajoutée dans la relation patient-prestataire ? » 

Tom Braekeleirs entrevoit également un impact considérable. « Jusqu’à présent, nous avons surtout assisté à une numérisation incrémentale : une simple substitution numérique. Par exemple, nous sommes passés d’un dossier papier à un dossier électronique. Mais souvent, une composante physique reste nécessaire : on ne peut pas prélever du sang de manière numérique. L’IA est la première technologie à nous confronter à certaines limites et erreurs dans notre propre raisonnement. Je pense que l’IA est l’un des rares éléments des vingt dernières années à avoir le potentiel d’être fondamentalement perturbateur. J’ai donc beaucoup d’espoir. » 

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